RESUME
Au cœur d’une province oubliée par la modernité et au rythme ancestral de la chasse, de la messe, du club de golf et de la bonne société rurale, le major Ernest Pettigrew apprend la mort de son frère cadet, Bertie. Lui-même veuf, il a un fils, Roger, qui vit et travaille dans le quartier de la City à Londres. Très scrupuleux envers toute forme de patrimoine, le major aime sa campagne et déteste le changement. Né dans les Indes, il est fils d’un héros qui, à l’heure de la partition, a sauvé la fille d’un maharadjah, dont il a reçu, en remerciement, une paire de magnifiques fusils – des Churchill de grande valeur. Malheureusement, il découvre au moment de régler la succession que son frère Bertie n’a donné aucune instruction au sujet du fusil que le major souhaitait récupérer pour réunir entre ses mains la paire – en mémoire de son père et par vieille jalousie fraternelle. Au contraire, Marjorie, sa belle-sœur – qu’il déteste et réciproquement –, et sa fille Jemima qui n’a pas le sou (mais un fils) – et qu’il ne déteste moins –, veulent rassembler la paire et en tirer un très bon prix auprès des acquéreurs américains. Projet auquel souscrit en plein son fils Roger, insensible à la valeur sentimentale de l’objet, et désireux de monter d’un cran dans le monde codé des petits barons de la finance.
Or dans le village, l’épicerie est aux mains d’une Pakistanaise, Mme Ali. Touchée par la détresse du major en deuil, elle lui apporte son aide et son soutien. Est-ce la couleur ambrée de son teint, la lumière dans ses longs cheveux d’ébène ou le dernier sursaut d’un homme sentant la mort se rapprocher ? Qu’importe : il tombe amoureux. Depuis quelques mois, elle est veuve elle aussi, mais surtout, il le découvre, elle est cultivée, parle six langues, lit beaucoup – elle évoque la magnifique bibliothèque de son père, détruite par le fanatisme et l’obscurantisme. Cette femme exquise restée sans enfant est bridée par son neveu, Abdul Wahid, qui est venu la chaperonner à son retour du Pakistan, d’où il doit faire venir une épouse avant d’hériter du magasin. C’est un musulman très strict. Mais elle se permet certaines libertés, dont celle de se promener avec le major, ou d’aller prendre le thé chez lui.
Alors que le comité des fêtes veut organiser le bal annuel sur le thème « Une nuit à la cour Moghol », Mme Ali est sollicitée pour aider à la préparation. Elle y voit une pointe d’intérêt du village envers elle, un signe d’intégration, presque une marque d’affection. Mais le major distingue, lui, la xénophobie des gens, la condescendance qui affleure dans les propos de tous ceux qui lui adressent la parole. Roger, le fils du major, arrive de Londres avec sa petite amie américaine Sandy, une caricature de business woman que le major déteste comme américaine – il se demande d’ailleurs pourquoi la xénophobie ne se porte pas contre elle. Le nouveau couple loue un cottage dans le village d’à côté, transformé en parc d’attraction pour bobos londoniens en mal d’authenticité. Le major a la désagréable impression que son fils veut s’imposer dans sa vie, et même en changer le cours : Roger a prévu de participer à d’une chasse donnée par lord Dagenham, au cours de laquelle celui-ci projette de présenter son grandiose projet d’urbanisme. En l’occurrence, il s’agit de transformer le coin en un ghetto de luxe, complètement toc – ce qui implique de virer Mme Ali, mais aussi de construire juste derrière la maison du major… Roger le comprend très vite : lui, le banquier qui veut lancer sa carrière, il ne réussira à emporter l’affaire avec l’investisseur américain -– un certain Ferguson ayant acheté par Internet un titre de noblesse écossaise – que s’il lui vend la paire de Churchill de son père…
Même s’il devine les intentions de son fils – lequel est suffisamment décomplexé pour le mettre dans la confidence – le major ne pense qu’à Mme Ali, alias Jasmina. Mais elle aussi est aux prises avec des démêlés familiaux. En préparant la fête, elle a appris que son neveu, Abdul Wahid, a eu un fils, Georges, avec Amina, une femme « pas comme il faut », et qu’il a ainsi trahi sa famille et sa religion. Mais Jasmina embauche Amina et la prend chez elle avec son fils. Bien entendu, le neveu refuse de coucher sous le même toit que son ancienne tentatrice, si bien que le major se retrouve à devoir l’inviter dans sa chambre d’amis. Situation qui engendrera nombre de confrontations ô combien savoureuses avec Roger qui, sous prétexte de protéger son vieux père contre d’éventuels larcins, laisse éclater au grand jour tous ses préjugés.
Avec l’hiver, arrive la fête tant attendue. En voyant Jasmina vêtue d’une grande robe bleue échancrée dans le dos, le major se prépare à vivre une soirée mémorable, de plaisir et de joie. Et, lorsque, malgré la réprobation générale, ils dansent enfin tous les deux, leurs sentiments ne font plus aucun doute. Mais, en raison du spectacle qui met en scène les hauts faits du père du major et se révèle humiliant pour les Pakistanais présents, la soirée se termine en pugilat. Désavouée par l’ensemble de la petite communauté, et non défendue par le major, Mme Ali s’enfuit, cède la boutique à son neveu dès le lendemain et se replie de force chez son frère. Après quelques atermoiements, le major part la chercher en voiture alors qu’elle est semi-recluse, et la « kidnappe ». Dans une maison du bout du monde – le Pays de Galles – ils deviennent amants.
À leur retour, le foyer de Amina et Abdul, dont le mariage se prépare, est à feu et à sang. Cette fois, le major sait qu’il ne pourra mériter Jasmina que s’il parvient à se montrer capable d’affronter la réalité de leurs deux mondes : dans une scène de face-à-face, au bord des falaises, il met Abdul au pied du mur. Plutôt que de sauter dans le vide, il lui tend le fusil et lui lance : « Tue-moi. » Mais Abdul ne fait que le blesser… tout en laissant le fusil se perdre dans les profondeurs de la mer déchaînée. Une fois remis, le major épouse Jasmina, et Roger, que Sandy avait un moment quitté, renoue avec elle par texto, comme tout homme pressé. Amina décide de quitter Abdul Wahid, la boutique, et de refaire sa vie. Le projet de construction de lord Dagenham tombe à l’eau, de même que la tractation avec le fusil. Et le major retrouve son fils bien-aimé, qu’il avait maudit pour son atroce manque de respect…